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Une Dame de Papier / A Lady on Paper

English version to be found underneath!


Je me souviens à peine de ma naissance. Ma première, en tous cas. Ma pierre angulaire. Elle est enveloppée de brume, boueuse comme les marais de ma ville-berceau. Quelqu’un m’a sûrement engendrée ; les tours et les flèches apparaissent rarement sans annonce, il me semble. Dans les échos de ma nef, j’entends toujours le grattement de la plume sur le parchemin, les lourds battements du marteau, les respirations laborieuses de mes créateurs.


Les petits détails me donnent une réelle existence. Je prends ma première inspiration lorsque Gaultier cisèle ses initiales sur l’une de mes pierres costales. Sa langue dépasse de ses lèvres et touche presque les tâches de rousseur sur son nez. La lumière rebondit à travers ses cheveux noisette et atterrit sur ma pierre fraîchement taillée.

« –Bonjour, je murmure en caressant son esprit.
–Bonjour, dit-il en souriant. Il essuie la sueur de son front. Sa voix est incertaine. Il ne sait pas vraiment ce qu’il fait, mais son tendre nom luit, gravé sur les millénaires.
–Heureuse de te connaître, Gaultier.
D’une main précise, il applique une nouvelle couche de mortier sur sa pierre. Parmi la masse qui deviendra mes visiteurs, le bruit m’apaise et m’ancre à terre. Douloureusement, gravement, je m’élève.
–De même, Madame. »

Quelqu’un m’a sûrement engendrée. Mais ma loyauté demeure toujours auprès de mes enfants.


Ils me donnent des yeux. J’en compte trois, ronds et brillants. Ils chatoient de couleurs pastel, dessinés avec un mélange délicat de pierre et de verre. Avec eux, je vois ma ville-berceau. Je vois les cheminées fumantes ; le palais ; l’humidité pavée de la cité. Enfin, je vois mes enfants, immergés dans une lumière rose et bleue. Ils s’agenouillent ; murmurent ; chantent. Se confessent. Ils viennent en processions, allumant des bougies qu’ils ne peuvent s’offrir, parlant des langues que je ne comprends pas. Je prie aussi, pour qu’ils puissent trouver les réponses qu’ils me demandent.
Gaultier est parti depuis longtemps, mais son rire résonne toujours dans le chœur. Il tournoie, souffle joyeusement sur les bougies et les cheveux de mes enfants. C’est son cadeau d’adieu pour les générations.


Ils m’offrent des bijoux et des couronnes d’épines, que j’accepte comme une mère reçoit le cadeau de son enfant. Je n’en ai pas besoin, mais si cela les rassure, s’ils peuvent se sentir moins seuls dans ce monde, je peux vêtir mes murs d’un millier de tapisseries.

Ils ajoutent des arcs-boutants complexes, de peur que je ne m’effondre. Je ris. Bien sûr que je m’effondrerai. Je brûlerai, je m’écroulerai et m’estomperai jusqu’à n’être qu’une dame de papier. Mais Raymond n’accepte pas cela. Il donne des ordres, parchemin à la main, et compte ses pas en grattant sur sa tablette.

« Tu deviendras le temple le plus magnifique qui se tienne sur cette terre », me dit-il. Son langage pompeux ne manque jamais de me faire rire. « Tu seras aussi fine qu’une feuille de parchemin, mais tes tours se tiendront fermes jusqu’au Dernier Jour. »

Sa main est ferme et stable. Il me tapote comme un animal de compagnie, passant ses doigts sur les minuscules sillons entre les pierres.

(Il manque la gravure de Gaultier, que je cache envieusement.)

«  –Mes sœurs ne le sont pas, essaie-je à nouveau. N’entends-tu pas leurs cris, alors qu’elles tombent en miettes et en flammes à l’Est ? Seules leurs ruines verront le soleil se lever au Dernier Jour.
-              Pas toi, insiste Raymond. Tu es meilleure. Tu es belle. Tu es sainte.
-               Plus sainte que toute la civilisation que ton peuple massacre au nom de Dieu ? »

Ses yeux scintillent d’étoiles et d’hubris. Son menton s’élève. « Oui. »

Mes enfants sont puissants et fiers, et se consumeront pour effleurer le soleil.



Je me demande si c’est ce qu’ont ressenti mes sœurs dans l’Orient.

Le trottoir est couvert d’une couche de sang. Ce dernier s’agite autour de moi, à l’intérieur de mon
 corps ; il crée des remous dans mes entrailles et me dévisage. Ils ne me feront pas beaucoup de mal ; 
peut-être qu’en-dessous du regard froid de Raymond qu’ils haïssent tant, ils entendent toujours le 
murmure d’espoir de Gaultier. Je n’ai jamais vraiment compris la haine, mais je sais qu’elle se dissout
 rapidement avec la pérennité.

Ils pillent ma crypte ; décapitent mes rois et mes saints. Mais je ne les ai jamais connus de tout façon ; ce ne sont que des visages tatoués sans ma permission. Des bijoux factices. Les rois ne viennent jamais me dire bonjour ; ils rentrent, s’agenouillent, sourient en coin, et déclarent la guerre aux hérétiques.

Le coup de pied de Julien est nonchalant et condescendant.

« Plus aussi puissante désormais, hein, ma belle ? »

Il porte un tricorne bleu et rouge qui encadre gauchement son visage enfantin. Il ne dépasse pas la vingtaine, et pourtant sa langue est tirée comme s’il avait enfin vaincu un lion. Mais cela fait des décennies que je n’ai pas parlé. Je retourne son appel.

« Jamais, » je réponds.

Julien sourit, et agite son petit drapeau.

 « –Nous te contrôlons maintenant, jubile-t-il. Tu ne pourras plus jamais nous faire du mal. Tu seras oubliée, tout comme l’Ancien Régime.
-             Toi aussi. »

Avec un basculement lourd, la massue s’écrase contre Saint Thomas. Sa tête explose, et les fragments s’éparpillent dans mes entrailles.

« -Je te déteste », gronde-t-il. Sa respiration s’effrite, et sa mâchoire bien taillée tremble dans son socle. « Tu es tout ce qu’il existe de mal dans le monde. »

Je ne suis que pierres, ai-je envie de dire. Comment des pierres, du chêne, du mortier et des initiales taillées peuvent-ils rivaliser contre la trace fumante et sanglante d’un fusil ?

Mais il est déjà parti, courant sur les pavés, emporté par la jeunesse et l’optimisme homicide.


Ils changent mon prénom ; il appartient tantôt à la Raison, tantôt à l’Etre Suprême, tantôt à la Liberté.

Mes enfants sont ingénieux et volages. Prêts à tout pour prouver qu’ils ont changé.

Mais une poignée de têtes décapitées ne change pas la lueur flagrante dans leurs yeux.


Un homme aux yeux en amande et au front élevé comme le mien se pousse contre ma lourde porte. Ses pas brisent ma trance, et je remue. La lumière timide du soleil s’infiltre au travers de mon œil endormi. Mes paupières clignent, doucement.

Le rire de Gaultier n’est plus qu’un murmure, maintenant. Il a perdu sa mélodie, devenu aussi léthargique que la mienne. La promesse de Raymond vole sur moi comme l’ange de la Mort.

L’homme souffle, propulsant une bouffée d’air frais parmi les bancs. Il marche avec peine parmi les demi-ruines sur le sol. De la poussière se forme dans les rayons diffus.

Il y a une aura autour de lui. Elle n’est pas divine ; pas comme les rares prêtres qui se promènent parmi mes couloirs endormis. C’est quelque chose de riche et de brun, parfumé de papier, d’encre et d’étoiles. Ses yeux cherchent, clignent, et courent au rythme des rotations de la Terre. Ses pieds sont fermement posés sur le carrelage en damier, mais sa posture est légère et rêveuse. Charnelle et physique, mais pleine d’émerveillement. Il n’est pas brisé ; pas encore.

Il sent intensément, décidément humain.

De l’électricité se dégage de ses doigts lorsqu’il les passe sur ma pierre. Je frissonne. Je n’ai pas été touchée comme cela depuis des siècles.

Prenant une inspiration, je guide sa main vers une petite alcôve. Elle se cache dans la jointure des murs, couverte de poussière et d’oubli. La respiration de l’homme se tait, et sa pomme d’Adam s’élève et s’affaisse. Religieusement, il trace le G fatigué, le H maladroit. Il envoie des picotements jusqu’à ma flèche, mais cela fait tellement plus de bien que la torpeur d’inattention.

« Six-cent-cinquante ans, murmure-t-il. Nous devons ressembler à des insectes pour toi. »

Je caresse sa peau en voyant ses yeux s’allumer avec les Muses. Dans les entrailles de mes cloches, un doux grondement vient l’accueillir.

« Pour moi, Victor, vous ressemblez à des géants. »



Parmi tous ceux qui m’ont dit bonjour, c’est le seul qui revient si brisé.

« Regarde-toi, toute pomponnée, dit-il doucement. Tu es une vraie dame de papier, maintenant. En route vers ton ancienne beauté.
-         C’est grâce à toi, mon amour. Ta belle histoire a fourni l’étincelle. »

Victor sourit, un sourire las, timide, qui contraste avec les cernes bleus sous ses yeux. Son dos est courbé, ses épaules tendues sous sa veste.

Les labeurs de la rénovation résonnent dans la nef. Le genou de Victor s’agite, rebondissant de haut en bas, de droite à gauche, en synchronie avec mon battement de cœur. Il pousse de longs et faibles soupirs. Sa tête se courbe un peu plus, de sorte que ses sourcils assombrissent son expression émaciée d’ombres trop vieilles pour son âge.

Quelquefois, Victor me rappelle tellement moi-même que je ressens sa souffrance jusqu’à ma crypte.

« Je suis tellement navrée, mon amour. » Je lui envoie un tendre rayon de soleil, mais il tressaille, reculant brusquement. Il prend une inspiration frissonnante.

« Elle n’avait… » Victor faiblit. « Ma Léopoldine, elle n’avait que dix-neuf ans. »

Il gémit, et ses épaules tremblent. Jamais dans sa vie n’a-t-il pu contenir les émotions de son visage. Mon Victor a toujours senti si viscéralement, si férocement, que la force d’une centaine de feux ne pourrait l’en empêcher.

Ses mains sont liées, et ses paupières se ferment ; une tentative maladroite de connexion vers quelque chose bien au-dessus de ma flèche. Je demeure silencieuse.

« Vous êtes censé tout savoir. » Ses lèvres bougent, mais sa voix vient d’un autre monde. Ses sourcils tremblent. « Si vous êtes si omniscient, ne pourriez-vous pas au moins me dire… Me dire pourquoi ? »

C’est la seule question à laquelle je ne peux pas répondre ; à laquelle je ne peux jamais répondre.

« Pourquoi ne pouvez-vous pas la ramener ? »

Ses sanglots ne résonnent pas. Les rires de Gaultier non plus, ni les espoirs de Raymond ou le feu de Julien. Ils sont absorbés dans les échafaudages, dans la lourde charpente en chêne, dans le mortier centenaire.

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la cathédrale… Je partirai.



Parfois, j’aimerais parler à Dieu. Après tout, ne suis-je pas nommée après sa mère ?

Peut-être suis-je condamnée à partager son destin ; contrainte de regarder mes enfants se briser et mourir, suspendus au cruel pilier du Temps.



C’est… pour le moins étrange. Je suis plus petite, plus basse. Réduite.

La fumée et les cendres volent depuis ma flèche au-dessus de ma ville-berceau, ma cité-lumière bien-aimée. Mes enfants sont coupés de moi, me fixant, impuissants, derrière les pompiers qui murmurent. Ils prient, ils chantent, ils soufflent des mots de réassurance que j’entends à peine derrière les cris de mon esprit.

J’ai mal. La complexe charpente est consumée, les flammes lèchent en bas de mon toit, les jets d’eau constants perforant mes épaules. Le vent insatiable se jette contre mes murs, sifflant entre les tours. Il porte les halètements des témoins lorsqu’ils voient ma flèche s’écrouler et empaler mon flanc.

Une jeune femme fixe le brasier, sa mâchoire ferme et stoïque maintenant une illusion de contrôle. Je peux à peine discerner la lueur flagrante de ses yeux à travers la fumée.

« Ne t’inquiète pas. Nous te protègerons. » Sa voix est tremblante, d’un ton plus aigu que d’habitude, mais sa main sur le tuyau ne pourrait pas être plus stable.

« Tu dois avoir tellement mal », dit-elle.

Peut-être, mais ma douleur n’est pas intolérable. Celle de mes enfants l’est.



Lorsque le soleil se lève sur mon corps toujours fumant, j’entends le soulagement, et j’entends le chagrin. La ville, mon peuple radiant, fier et arrogant, demeure silencieuse et épuisée. Le silence me recouvre.

Ma presque-destruction a provoqué des milliers d’individus à tourner leur regard vers un vestige de l’Ancien Régime.

« Nous rebâtirons », disent-ils. Depuis mon œil intact, je vois leur chef, entouré d’une multitude de micros et de caméras. « Nous restaurerons Notre-Dame à son ancienne gloire, et nous la rendrons plus belle qu’avant. Nous rendrons la vie à ces pierres. »

La voix de Raymond résonne à travers des millions de téléviseurs. Ses yeux transpercent le pays.
Je pense à l’affection transpirante de Gaultier, à sa compassion enjouée.

A la colère de Julien contre les vices du monde, à la courbe ardente de ces sourcils.

Je pense à l’écrivain Victor, à son beau sourire, ses larmes magnifiques, et son amour inconditionnel pour l’humanité.

Je pense aux trois ou quatre milliardaires que je n’ai jamais connus, qui prétendront me connaître en me parant de bijoux factices, en me cajolant de bois impersonnel et de pierres mortes depuis longtemps.

Je pense à mes autres sœurs dans l’océan, dans les forêts, dans l’air. Des cathédrales qui ne seront ni rebâties, ni retenues, dans le petit contexte du pouvoir politique. Des monuments plus anciens que ma ville-berceau, disparaissant d’un claquement de doigts, qui ne seront plus jamais regardés. Tués par l’hubris, le dédain et le désintérêt général.



Mes pierres ne me donnent pas la vie. Tout comme vous, elles se délabrent, s’effritent, et se consument.

Non. Je ne me rappelle pas le placement de ma pierre angulaire.

J’ai pris ma première inspiration lorsqu’un jeune maçon aux dents espacées a ciselé ses initiales sur l’une de mes pierres costales.


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I can barely remember my birth. My first one, anyway. The cornerstone. It is shrouded in mist, cloggy like the swamp of my cradle-town. Someone must have fathered me – towers and spires rarely sprout up unannounced, I have gathered. In the echoes of my nave, I still hear the scratching of quill over parchment, the heavy bangs of the hammer, the heaving of my creators’ breaths.

The little details give me real life. I take my first breath when Gaultier chisels his initials on one of my rib vaults. His upturned tongue sticks out, almost touching the freckles on his nose. The light bounces through his walnut hair and lands on my freshly-carved stones.

“Hello,” I whisper, gently caressing his mind.

“Hi.” He smiles. Wipes the sweat from his forehead. His voice is tentative. He doesn’t quite know what he’s doing, but his tender name glows, etched into the millennia.

“Pleased to meet you, Gaultier.”

With a professional hand, he scratches another layer of mortar on his stone. In the growing mass that will become my visitors, the sound is both grounding and appeasing. Painfully, heavily, I rise.

“Me too, my Lady.”

Someone must have sired me, but my loyalty has always been to my children.



They give me eyes. I count three, round and gleaming. They flash with pastel, sketched with a delicate mix of stone and glass. With them I see my cradle-town. I see the steaming chimneys, the palace, the paved dampness of the city. I finally see my children, immersed in pink and blue light. Kneeling, muttering, singing. Confessing. They come in processions, light candles most cannot afford, speak a language I do not understand. I pray as well – that they find the answers they ask of me.

Gaultier is long gone, but his laugh still echoes in the choir. It spins around, playfully blowing out candles and raising my children’s hair. His parting gift to the generations.



They give me jewellery and thorn crowns, which I accept like a mother concedes to her child’s present. I don’t need them, but if they reassure them – if they can feel less alone in this world – I can carpet my walls with a thousand tapestries.

They add more intricate buttresses, for fear that I fall. I chuckle. Of course I will fall. I will burn down and crumble and fade until I am nothing more than a lady on paper. But Raymond will have none of this. He gives out orders, holding his parchment, counting steps and scratching on his board.

“You will become the most beautiful temple ever to stand upon this earth,” he tells me. His pompous language never fails to pry a laugh. “You will be thin as a sheet of parchment, yet your towers will stand strong until Judgment Day.”

His touch is firm and steady. He pats me like his pet, running his fingers in the tiny creases between the stones.

(He misses Gaultier’s carvings, which I hide covetously.)

“My sisters have not,” I try again. “Can you not hear their screams, as they fall to pieces and flames in the East? Only their ruins will see the sun rise on Judgment Day.”

“Not you,” Raymond insists. “You are better. You are good. You are holy.”

“Holier than the entire civilisation your people slaughtered in the name of God?”

His blue eyes glint with stars and hubris. He jerks his chin upwards. “Yes.”

My children are strong, and proud, and will burn themselves for a touch of the sun.



I wonder if this was how my sisters felt in the East.

The pavement is coated with a thick layer of blood. It swirls around me, inside me, churns my stomach and stares at me. They don’t do much to me – maybe, underneath the harsh gaze of the Raymond they so despised, they can hear Gaultier’s murmurs of hope. I never really understood hate, but I know it quickly dissolves under permanence.

They plunder my crypt, behead my kings and saints, but I never knew them anyway – they are all mere faces tattooed without my consent. Fake jewels. Kings never come to say hello; they just waltz in, kneel, smirk, and declare war over heretics.

Julien’s little kick is nonchalant, patronising.

“Not so powerful now, huh, girl?”

He wears a blue and red tricorn which awkwardly frames his childish face. He cannot be over twenty, yet his tongue sticks out as if he had finally brought a lion to its knees. Still, it has been decades since I have spoken. I nudge him back.

“Never,” I answer.

Julien smirks, and waves his little flag. “We control you now,” he gloats. “You’ll never hurt anyone else again. You’ll be forgotten, just like every other part of the Old Regime.”

“So will you.”

With a giant, heaving swing, the rod comes smashing towards St Thomas. His head explodes, and the fragments scatter through my bowels.

“I despise you,” he snarls. His breath is ragged, and his chiseled jaw twitches in its socket. “You’re everything that’s evil in this world.”

I am only rocks, I want to tell him. How can stone, oak, mortar and carved initials rival with the bloody smoke-trail of a musket?

But he is already gone, running on the pavement, carried by youth and homicidal optimism.

They change my name – it belongs sometimes to Reason, sometimes to the Supreme Being, sometimes to Liberty. My children are creative, and fickle. Anything to prove that they have changed.

But a few chopped off heads do not change the tell-tale glimmer in your eyes.



A man with almond eyes and a high forehead like mine pushes through my heavy door. His steps break my trance-like slumber, and I stir. Shy sunlight cracks through my unused eye. I blink. Slowly.

Gaultier’s laugh is no more than a whisper now. It has lost its music – has grown as lethargic as mine. Raymond’s promise flies over me like the angel of Death.

The man blows, sending a streak of fresh air over the piers. Dust materialises in the diffused rays. He stumbles around the half-ruins littered on the floor.

There’s an aura around him. Not divine – not like the few priests who still roam my sleepy aisles. Something rich and brown, scented with paper, ink and starlight. His eyes seek, blink, and dart in rhythm with the turn of the earth. His feet are posed firmly on the checkered tiles, yet his posture is light and dream-like. Grounded, physical, yet full of wonder. Not broken – not yet.

He smells so intensely, decidedly human.

Electricity courses through his fingertips as he brushes my stone. I shudder. I haven’t been touched like this in centuries.

I take a breath, and guide his hand towards the tiny alcove I made. It hides in the joint between walls, covered by dust and inconsequence. His breath gets caught in his throat, Adam’s apple bopping up and down. He religiously traces around the tired G, the sloppy H. It stings up to my spire, but tickling nerves feel much less lonely than numb inattention.

“Six hundred and fifty years,” he murmurs. “We must look like insects to you.”

I brush his skin, watching his eyes light up with Muses. Deep in the bowels of my bells, a slow rumbling comes to greet him.

“I think you look like giants, Victor.”



Out of everyone who said hello, he’s the only one who comes back broken.

“Look at you, all pampered,” he says. “You’re a proper lady on paper now. On your way to your old beauty.”


Victor smiles, a weary, tentative thing that contrasts with the navy bags under his eyes. His back is hunched, shoulders drawn tight under his jacket.

The clangs and thrusts of the renovation scaffolding reverberate inside the nave. Victor’s knee fidgets back and forth, up and down, synchronised with my heartbeat. His breath comes in long, trembling sighs. He dips his head a little more, letting his brows cloud his gaunt expression with shadows too old for his age.

Sometimes, Victor reminds me so much of myself it sends sparks of pain down to my crypt.

“I am so very sorry, my dear.” I send him a tender sunray, but he recoils – flinches – away. He takes a shuddering inspiration.

“She was…” Victor falters. “My Leopoldine, she was only nineteen.”

He whimpers, shoulders trembling. Never in his life could he withhold emotions from his features. My Victor has always felt everything so viscerally, so fiercely, that the force of a hundred hell fires could not possibly restrain him.

His hands are linked together and his eyelids close – a small, awkward attempt to connect to something far above my spire. I stay silent.

“You’re supposed to know everything.” His mouth moves, yet his voice comes from another realm. His brow twitches. “If you’re so omniscient, can’t you at least tell me… Tell me why?”

That is the one question I cannot answer, that I can never answer.

“Why can’t you bring her back?”

His broken sobs do not echo. Neither do Gaultier’s laugh, Raymond’s hopes, Julien’s fire. They are absorbed in the scaffolding above, in the heavy oak framework, in the centuries-old mortar.

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la cathédrale… Je partirai.



Sometimes I wish I could speak to God. After all, am I not named after his mother?

Perhaps I am condemned to share her fate, forced to watch my children break and die, suspended to the cruel post of Time.



It feels…strange, to say the least. I am smaller, lower. Reduced.

Smoke and ashes fly from my spire over my cradle-town, my beloved light-city. My children are cut from me, staring powerless behind murmuring firemen. They pray, they sing, mutter words of comfort that I barely catch over the screaming in my mind.

It aches. The intricate carpentry consumed, the flames licking up my roof, the crashing water relentlessly boring into my shoulders. The tireless wind ramming against my walls, whistling between my towers. It carries the bystanders’ collective gasp as they watch my spire crumble and impale my flank.

A young fire woman fixes her gaze on the brazier, a stoic jawline firmly maintaining her illusion of control. I can barely discern the tell-tale glimmer of her eyes through the smoke.

“Don’t worry. We will protect you.” Her voice is wobbly, with a higher pitch than usual, yet her hand on the hose could not get any steadier.

“You must be in so much pain.”

Maybe, but my pain is not unbearable. My children’s is.



When the sun rises over my still smouldering body, I hear relief, and I hear grief. The city, my radiant, proud, boastful people, hang in exhausted silence. It drapes over me.

My close call to destruction caused thousands of individuals to turn their heads towards an old remnant of the Regime.

“We will rebuild,” they say. From my undamaged eye, I spot their leader, surrounded by a shifting mass of microphones and cameras. “We will restore Our Lady to her former glory, and make her even more beautiful. We will make these stones alive again.”

Raymond’s voice resonates through millions of television sets. His eyes bore straight through the country.

I think of Gaultier’s sweat-filled affection, of his cheery compassion.

Of Julien’s anger at the vices of the world, of the passionate curve of his eyebrows.

I think of Victor the writer, of his beautiful smile and his magnificent tears, of his unconditional love for humanity.

I think of the three or four billionaires I have never met, who will claim to adore me by bedecking me with fake jewels, by cajoling me with impersonal wood and long-dead cold stone.

I think of my other sisters in the ocean, in the forests, in the air. Cathedrals that will never be rebuilt nor remembered, in the small scheme of political power. Monuments older than my cradle-town disappearing with the snap of two fingers, never to be seen again. Killed by hubris, disdain and general disinterest.


My stones do not make me alive. Just like you, they decay, wither, and burn.

No. I do not remember the placing of my cornerstone.

I took my first breath when a young, gap-toothed bricklayer chiseled his initials on the slabs of my rib vault.


©Estelle Wallis, June 2020

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